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Adel Abdessemed est un des artistes contemporains les plus en vue actuellement. Sa statue controversée de Zidane coupdeboulisant Materazzi se trouve devant le Centre Beaubourg et, reconnaissance suprême, il a eu la chance de voir sa rétrospective se tenir dans ce même centre Beaubourg depuis le 3 octobre 2012 jusqu'au 7 janvier 2013. 

Intéressons-nous aux oeuvres les plus croquignolettes d'Adel Abdessemed, dans l'ordre d'exposition :

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  • "Décor", une oeuvre forte et violente, représente quatre Christ réalisés en barbelés et dans une taille un peu plus grande que nature. Le résultat est impressionnant. Pas besoin de vous bassiner avec le symbole de l'extension de la couronne d'épines à tout le corps, etc... chacun est capable de le comprendre. 

 

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  • "Hope" est une barque remplie de sacs poubelle, pleins. On pense aux clandestins, partis du continent africain sur des radeaux de fortune, pleins de peurs et d'espoirs. Quelqu'un a-t-il osé se demander si Adel pensait de ses concitoyens, ceux qui n'ont pas une jolie femme française comme lui et qui ne vivent pas entre Paris et New York comme lui, qu'ils étaient des... déchets ? 

 

 

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  • "Practice zero tolerance" est une mise en scène de carcasses de voitures calcinées ; violent, sombre, connoté. C'est peut-être l'oeuvre la plus grand public. L'image, le titre, le visuel tout parle au citoyen lambda.    

 

C'est là que commencent les choses marrantes. L'accès à une salle renfermant plusieurs oeuvres est interdit aux mineurs :  

 

  • "Real Time" met en scène 9 couples faisant l'amour en public, à la façon d'un happening, dans une mise en scène désérotisée, asceptisée ; certains évoquent le tournage obligé de s'adapter eu temps que prennent les corps pour s'accoupler. Dans ce cas, que signifient les coupes du montage ? C'est transgressif, cathartique, donc jouissif et prévisible.

 

 

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  • "Who's afraid of the big bad wolf" est une sorte de fresque macabre sur laquelle l'artiste a collé 600 animaux empaillés, et notamment des loups. Violent, quasi belzébuthien, le tableau trouvera-t-il preneur ?

 

Oui, il y a beaucoup de choses violentes chez Adel. Les plus jeunes peuvent se consoler en admirant au choix :

  • "Usine", une vidéo montrant des chiens, des mygales et des serpents s'entretuer. De loin, on peut encore percevoir les aboiements de souffrance d'un chien en train de se faire déchiqueter le cou par d'autres chiens. Un visiteur s'étonne dans le livre d'or qu'on empêche des enfants de voir des gens faire l'amour et en revanche qu'on les laisse voir des animaux s'entretuer.
  • "Lise" est  une vidéo un tantinet obscène d'un porcelet têtant une femme, une amie de l'artiste qui n'a visiblement pas peur des symboles ; 
  • "Joueur de flûte" présente un religieux en pied en train de jouer de la flûte complètement nu et... complètement détendu ; 

 

C'est ça qu'on lui a appris à l'école ? En dehors de sa maîtrise de la matière comme l'évoquent certains pour ne pas, au moins, lui enlever ça, de sa capacité à appuyer là où ça fait (encore un peu) mal et à aborder des sujets (encore un peu) tabous, quoique le sexe, la violence, la nudité et les visions d'apocalypse aient été déjà traitées de nombreuses fois, on peut néanmoins faire plusieurs remarques sur son travail, une expression visuelle de l'obscène, du transgressif, et du violent.

 

Il a intitulé cette exposition "Je suis innocent", mais pourquoi ? Pour s'extraire de la vindicte populaire ? Visible sur le mur facebook dédié à l'exposition et dans le livre d'or de l'exposition, noirci de messages élogieux, dubitatifs et, dans une moindre mesure, indignés. Pour s'absoudre des péchés qu'il donne à voir ? Non, et c'est en ça qu'Adel Abdessemed est un artiste, une sorte de Pythie, un vecteur, une machine à reproduire en images des réalités. Adel a choisi les plus sombres. Il est comme un messie qui porterait sur lui les péchés du monde. Il se débat, mais nous pouvons le remercier : il se salit pour nous. Il se charge de parler de ce dont nous n'oserions jamais parler, de rendre public ce que nous aimerions oublier. Il exprime des travers, des bizarreries, des choses honteuses à notre place. Effectivement, c'est pas lui le coupable.    

 

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En revanche certaines de ses oeuvres sont discutables du point de vue de la légalité. A.A. met en scène des animaux qu'il brûle, qu'il fait s'entretuer, ou qu'il assome comme dans une série de 6 vidéos intitulées "Don't trust me" qui ont été déprogrammées en 2008 lors de leur exposition à San Francisco. La violence sur animaux est passible de peines de prison et d'amendes : 

  • article 521-1 du Code pénal : "Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende." 

 

L'artiste ne serait-il pas un justiciable comme les autres ? Ces oeuvres soulèvent de nombreuses plaintes et commentaires outrés.     

 

A.A. peut-il être inquiété ? Est-ce qu'il lit seulement les commentaires des gens qui viennent voir son travail ? Est-ce qu'au fond, il en a pas un peu rien à foutre de ces critiques, fort de sa présence sur les cimaises de David Zwirner, le concurrent direct du pape (bientôt déchu?) de l'art contemporain, Larry Gagosian ; de la vente récente d'une de ses oeuvres, "Décor", à 2 millions d'euros à François Pinault ; de l'occupation de l'espace devant et dedans le centre Beaubourg par ses oeuvres, avec la bénédiction d'Alfred Pacquement et d'Alain Seban -qui se sont fendus d'une réponse hyper laconique aux nombreuses critiques ?

 

Oui il en a un peu rien à foutre. Du côté des observateurs, il serait intéressant de la mettre en perspective avec d'autres formes d'exposition parfaitement admises en leur temps et qui aujourd'hui nous feraient vomir, comme les zoos humains qui, à l'époque, n'ont choqué personne. La violence gratuite, qu'elle soit physique ou psychologique, devrait nous faire réagir. Un jour peut-être, imaginons un changement de paradigme, on aura honte d'avoir trouvé Adel Abdessemed intéressant.

 

Le mode de communication des militants de la protection des animaux n'est certes pas mesuré, mais... l'exposition de la violence est-elle une bonne chose ? N'est-elle pas une incitation au passage à l'acte ?

Or, l'audience d'Adel Abdessemed justifie-t-elle qu'on s'inquiète de sa capacité à influencer les foules ? Qui se soucie de cet artiste ? Combien de gens connaissent son existence en France ? Combien sont-ils à s'intéresser à l'art contemporain ? Quel est le risque de contagion de ces images d'horreur à la société ? Très faible, même si sa statue de Zidane, fort à propos devant un centre culturel, lui a récemment fait gagner en popularité (merci qui ? Merci François Pinault, qui n'aime pas dépenser son argent pour rien).

Tag(s) : #Culture - beaux arts - 7è art - etc...-
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