/image%2F1094919%2F20150330%2Fob_64872e_fotolia-72724924-xs.jpg)
Avant, pour expliquer les phénomènes inexpliqués, on n'avait pas 36 solutions. On accusait les esprits de la forêt, la colère d'un Dieu, une mauvaise configuration des étoiles... Cela vous fait sourire, n'est-ce pas ?
Aujourd'hui, l'ésotérisme résiste dans certains endroits du globe, y compris dans les pays où la culture cartésienne s'est imposée, mais il a nettement reculé. En Europe en particulier et en Occident en général, les populations ne croient plus aux esprits, mais il subsiste une certaine forme superstition.
Et la forme moderne de cette superstition que nous trouvons si ridicule aujourd'hui pourrait bien être le conspirationnisme, qui se répand aussi facilement qu'une vieille légende, tenace et simpliste.
Le conspirationnisme reprend à la superstition l'idée qu'une personne ou un groupe de personnes est omnipotent et ne rencontre aucun obstacle à son funeste projet. Cette personne ou ce groupe de personnes déciderait donc sciemment, et de façon unilatérale de faire souffrir, appauvrir, ou carrément de tuer des citoyens lambda pour avoir le pouvoir et s’enrichir encore plus. Le diable ou les djinns ont laissé la place aux franc-maçons, aux sionistes, aux membres de Bilderberg, de la CIA, les Illuminati, etc...
Pourquoi pourrions-nous parler de superstition moderne ? Ce type d'idées, notamment la responsabilité des franc-maçons dans tous les malheurs du monde, commence à prendre de l’ampleur avec la révolution française. Ceux qui vivent aux crochets de l'Ancien Régime ne peuvent pas supporter l'idée que la royauté a été rejetée par le peuple. Il y a forcément eu complot.
Augustin Barruel (1741, 1820), moine jésuite de son état est le premier à accuser les franc-maçons d'être responsables de la "chute de la civilisation", une thématique souvent reprise par des sites conspirationnistes d'extrême-droite d'aujourd'hui (oui, il y avait encore très peu de sites internet d'extrème droite à l'époque de Barruel).
Faut-il être bête alors pour croire que, en vrac, les Etats-Unis ont orchestré eux-mêmes les attentats du 11 septembre, que Mohammed Merah était piloté à l'époque par Sarkozy qui croyait tenir là sa réélection, ou encore que l'homosexualité est promue par des sionistes aux nez crochus pour anéantir le monde ?
Bien évidemment, il existe des thèses beaucoup plus soft, comme "les Etats-Unis ont laissé faire les attentats pour justifier une guerre en Iraq" et celles-ci ont de plus en plus d'adeptes. A l'origine de ces thèses, Thierry Meyssan et d'autres mégalos en quête de gloire et de reconnaissance, repris à leur tour par des sites 'anti-système", souvent issus de mouvements extrêmes -extrême-droite ou extrême-gauche-.
Vous remarquerez que personne dans les médias n'évoque ces thèses, ou très rarement pour plusieurs raisons :
1/ c'est pas chic. Sous-entendu c'est la populasse qui gobe ce genre de trucs, nous, on informe des gens éduqués.
2/ ce serait effectivement leur donner de la visibilité et plutôt que de s'user à démontrer par A+B que ce sont des bêtises, autant les ignorer.
Sauf que ... Le conspirationnisme accroît son audience en surfant sur la crise et le ras-le-bol ambiant. Même des diplômés et des cadres sont suceptibles d'y adhérer. Dès lors on peut s'inquiéter de l'adhésion à ce type de thèses de personnes travaillant dans l'enseignement par exemple.
Ok, les intellos méprisent ces tribuns auto-proclamés, et ils ont bien raison. Ce sont souvent des individus égo-centriques et narcissique dont la réflexion ne tient pas longtemps face à quelques informations bien sourcées. Mais ces nuisibles ont compris le filon. Ils testent plusieurs thèses et en fonction de l'auditoire qu'ils arrivent à capter sur tel ou tel sujet, ils approfondissent celui qui a le plus de succès.
Un peu comme une opération marketing. La pub sur Mich magazine a rapporté plus de clients que la pub sur Mouch.fr, alors on refait de la pub sur Mich magazine.
Ils usent des bons vieux ressorts de la propagande : plutôt que de dénoncer ouvertement une personne ou un groupe à cause de sa sympathie pour Israël, ils s'attaquent à sa crédibilité par tous les autres moyens.
Exemple : l'imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, qui affirme que l'Islam doit s'adapter à la république et qui s'est rendu récemment en Israël pour prôner le dialogue est régulièrement dénigré sur des sites d'extrême-droite, de propagande islamiste pro "frères Mumu" ou dit "alternatifs". Bien évidemment, il n'est jamais dit ouvertement que c'est à cause de sa position non antisémite qu'on l'attaque, le principal étant de le dénigrer aux yeux du public pour qu'une fois confronté à ses prises de position, celui-ci ne les prenne pas au sérieux.
"How Clever"
Le conspirationnisme, comme la superstition d'autrefois se nourrit essentiellement :
- De l’incompréhension des phénomènes et du fait que les informations ne sont parfois pas accessibles à la majorité. Pour faire du bon conspirationnisme, il faut un bon orateur et des thèses simples, accessibles à tous. C’est le syndrome « ah, ok... c’est pour ça ».
- De l’ignorance, des fantasmes dignes de l’ésotérisme justement, avec cet intérêt pour les sociétés secrètes, les rituels sataniques, etc… C'est là qu'interviennent les montages photos, les symboles, les associations… C'est le syndrome « ah ouaiiis c’est vrai en plus ! »
- De la frustration, jamais loin de la haine pour ceux qui ont « réussi » - c'est là en particulier qu'on retrouve l’antisémitisme. C'est le syndrome "Deux poids, deux mesures" ou "c'est toujours pour les mêmes", ou encore "c'est les chouchous de la République". Caractéristique particulière : c'est obsessionnel chez ceux qui en souffrent, ils sont en boucle, littéralement.
- Des troubles mentaux. Ne riez pas, la plupart des individus malades ne sont pas internés. Les personnalités psychopathes notamment ont tendance à désigner un responsable à leurs maux, incapables de se remettre eux-mêmes en question.
Tous ceux qui s’intéressent à l’actualité en dilettante, ceux qui cherchent des réponses, et ceux qui, échaudés par les compromissions de certains titres de presse avec certains grands patrons veulent s'informer autrement se tournent vers Internet.
Il ne faut pas non plus sous estimer l'orgueil de détenir la vérité cachée malgré les « mass médias » qui sont forcément à la botte du pouvoir « militaro-financier »/« militaro-industriel »/ « judéo-maçonnique », etc…
De simples curieux, ils peuvent finir par devenir des lecteurs assidus une fois conquis par la "première couche" du cadre idéologique "anti-système" et devenir à leur tour des vecteurs.
Avant, le bouche-à-oreille faisait son oeuvre. Aujourd'hui, internet démultiplie l'audience exposée à des messages incriminant tel ou tel groupe.
Le conspirationnisme fait sourire ou désinteresse totalement les personnes qui pourraient contredire ses auteurs. Mais ce n’est pas si drôle que ça.
C'est drôle quand les individus incriminés sont les illuminati, ou des aliens.
C'est grave et obsessionnel lorsqu'il s'agit de haine contre les juifs, par exemple et sous couvert d'antisionisme ou de lutte pour la Palestine, éprouvée comme un juste sentiment. Cette haine se fond alors avec des idéologies politiques et religieuses extrêmes, avec le sentiment galvanisant de mener un « combat » juste ;
Avant on brûlait des femmes un peu bizarres qu'on traitait de sorcières. Aujourd'hui on torture ou on tue à bout portant des enfants.
Si on peut se poser la question de la responsabilité directe des auteurs de thèses conspirationnistes dans certains drames récents, on peut quand même affirmer que le fait de répandre certaines idées augmente les risques qu'un jour, un individu se sente investi d'une mission, encouragé par un nombre croissant de personnes acquises à sa cause dans son entourage.
La Dissidence -site proche d'Egalité et Réconciliation-, toute fière de montrer aujourd'hui ses résultats d'audience et le nombre de partage de ses contenus à partir de sa page Facebook. Ils sont en hausse.